Connaître la rouroute .
Beaucoup de choses ont été dites sur la rouroute. Développements souvent trop insuffisants en particulier sur son mode de production et le traitement traditionnel de ses rhizomes à la Réunion. Au contact de Tamponnais détenteurs de la tradition de la plantation familiale de la rouroute et m’y étant intéressé, j’apporte ici ma contribution.
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Combien de jeunes Réunionnais de moins de trente ans connaissent vraiment la rouroute ? Cette plante fait pourtant partie de notre patrimoine. Ce nom vernaculaire de la plante (qui s’écrit encore la rourout nous vient de l’anglais arrow root, signifiant « racine à flèche ». Les Indiens Arawaks utilisaient en effet les rhizomes comme antidote au poison des flèches.
Mais toutes les plantes appelées arrow root ne sont pas la rouroute :
l’arrow-root de l’Inde est extrait des rhizomes de divers Curcuma., l’arrow-root de Queensland est extrait des rhizomes de divers Canna, l’arrow-root de Guyane est extrait des rhizomes de l’igname et l’arrow-root du Brésil n’est que la fécule de manioc.
La plante que nous cultivons à la Réunion et que nous appelons la rouroute c’est l’arrow-root officinal. Son nom scientifique est Maranta arundinacea. Elle est de l’ordre des Zingiberales et de la famille des Marantacées.
Dans bien des vieilles cours des écarts du Tampon, la présence de la rouroute et du safran péi échappe à la vue de ceux qui ne partagent pas la conception traditionnelle que les vieux zabitan ont de l’aménagement de l’espace cultivé.
Ci-dessus: le rang de safran péi le long d’une clôture .
Ci-dessous: le karo de rouroute dans le fond de la cour, à côté des sonz .
Pourquoi parler au passé des « bonbon-larourout », dira-t-on, puisqu’on en trouve encore dans bien des pâtisseries traditionnelles et petites boutiques de quartier ? Tout simplement parce que depuis plus de quarante ans, les « bonbon-larouroute » sont fabriqués… sans rouroute !
L’explication est simple. Avec les crises agricoles des années soixante, les campagnes de l’ouest et du sud ont connu une mutation profonde. Une grande partie de ceux qui étaient en âge de travailler ont quitté la campagne pour les villes. Ceux qui sont restés dans le monde agricole ont été éloignés de la tradition par les exigences d’une agriculture nouvelle excluant la rouroute et les contraintes qui lui étaient liées.
La culture de la rouroute est donc arrivée jusqu’à nous avec les survivants de l’agriculture d’avant 1965, qui ont continué à en cultiver un minuscule karo, pour leur propre consommation, dans un coin de leur cour où elle cohabite avec le rang de safran péi (curcuma), la touffe de gingembre et la treille de chouchou. Mais cela ne suffisait pas à approvisionner les fabricants de bonbon-larouroute qui improvisèrent pour faire face à la demande.
Différentes étapes du traitement des racines :
1 racines lavées dans le panier
2 racines coupées en morceaux dans le seau bleu
3 le broyage dans le mixer
4 broyat dans la bassine noire
5 marc ne contenant plus de fécule.
On ne trouve pas de Gâteau la rouroute dans le commerce. Son prix de revient le mettrait hors de portée de la plupart des bourses. Sa recette se transmet dans les familles qui ont encore un lien avec le milieu agricole traditionnel producteur de rouroute. C’est une pâtisserie de luxe, d'une finesse et d'une légèreté exceptionnelles. Le gâteau la rouroute marque la convivialité et la prévenance de l’hôtesse qui le propose au dessert. On peut aussi parfois en trouver dans des kermesses d’associations caritatives où il est vendu au profit d’œuvres de bienfaisance.
La différence entre le gâteau et les bonbons c’est la proportion de gras moindre dans les bonbons (50% du poids de la poudre), et l’utilisation du blanc d’œuf au lieu du jaune.
Quant à la crème de rouroute , la quantité de poudre est de l’ordre de 80 g pour 1 litre de lait.
Gâteau la rouroute
(dosages que j'ai choisis pour 8 personnes) :
250 g de poudre d'arrow-root
4 jaunes d'oeufs
1 sachet de levure
une pincée de sel
1 gousse de vanille
150 g de sucre
150 g de beurre
une cuillerée (à soupe) d'anisette ou de rhum blanc .
Wo, monmon mwin !
La kaz amwin mwin té maléré
M’i manz mayi sanm piman krazé
Dopi gran matin-k mwin lé dobout,
M’i giny pa larzan pou nout-tout
Mon vyé papa pi mwayin marsé,
La rouroute la ponkor rasé
Wé, mwin v’alé, Wè, mwin v’alé
Rod travay dan la vil
Wé, mwin v’alé, Wè, mwin v’alé
Mé ramas byin mon pti fosiy
Wo, monmon mwin !
Rod in travay lé byin difisil
Mé lapa bézwin fé atwé la bil
M’alé byin lwin pou rod in travay,
Kantminm pou sa m’i dor si la pay
M’a rotourné larzan dan mon pos
Pou fé atwé in ti kaz an ros.
Wé, m’a trouvé, wé m’a trouvé
Sak touzour mwin la rodé.
Wé, m’a trouvé, wé m’a trouvé
M’a trouv mon somin galizé
Wo, monmon mwin !
Mwin la parti, mwin la kit atwé
Pardonn amwin ti monmon madwé
Tout mon péyi mwin la mars apyé
Mé in travay mwin la pa trouvé
Monmon ramas out gro pléré
Priy pou mwin m’i sava larmé
Wo, monmon mwin !
Wo, monmon mwin !
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Lors de la récolte, on laisse dans un coin du karo la quantité de rhizomes nécessaires à la plantation. Après plusieurs semaines d’exposition aux conditions atmosphériques ambiantes, les rhizomes prennent une nuance verte. Le moment venu, on laboure le sol et on enterre le fumier, lorsqu’on en dispose, avant leur mise en terre. La fumure ne doit pas être trop profonde. La plante, très rustique ne nécessite plus aucun entretien jusqu’à la récolte. La pousse démarrera peu après la mise en terre, avec les premières pluies d’été.Un été à l’humidité régulière favorise plus la richesse qu’un été sec ponctué par des averses cycloniques.
Les opérations allant de l’arrachage au séchage de la galette ne souffrent d’aucune interruption. C’est une tâche fastidieuse, délicate et nécessitant de la méticulosité.
L’exposé critique le plus exhaustif et le plus sérieux sur son usage médicinal se trouve dans le livre de Marc Rivière Les plantes médicinales à l’île de La Réunion, leurs amis et leurs faux amis, tome I, homonymes des plantes locales, publié chez Azalées éditions (voir encadré):
En cuisine la poudre d’arrow-root est utilisée pour épaissir les sauces et dans les potages ; Les rhizomes sont également consommés en morceaux dans des plats de viande.
La page ne serait pas complète sans une chanson dans laquelle il est question de la rouroute. C’est une chanson ancienne sur un rythme de ce qu’on qualifiait dans les années soixante de séga-maloya. C’est un ami du Tampon qui, en 1961, m’en communiqua les paroles et l’air. L’auteur est anonyme. Le texte est un témoignage intéressant sur la partie de la population qui cultivait la rouroute.
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