Connaître la rouroute .

La photo mystère:
..Il s'agit d'un rhizome de rouroute
artourn an-n aryèr / revenir en arrière
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Beaucoup de choses ont été dites sur la rouroute. Développements souvent trop insuffisants en particulier sur son mode de production et le traitement traditionnel de ses rhizomes à la Réunion. Au contact de Tamponnais détenteurs de la tradition de la plantation familiale de la rouroute et m’y étant intéressé, j’apporte ici ma contribution.
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Combien de jeunes Réunionnais de moins de trente ans connaissent vraiment la rouroute ? Cette plante fait pourtant partie de notre patrimoine. Ce nom vernaculaire de la plante (qui s’écrit encore la rourout nous vient de l’anglais arrow root, signifiant « racine à flèche ». Les Indiens Arawaks utilisaient en effet les rhizomes comme antidote au poison des flèches.
Mais toutes les plantes appelées arrow root ne sont pas la rouroute :

l’arrow-root de l’Inde est extrait des rhizomes de divers Curcuma., l’arrow-root de Queensland est extrait des rhizomes de divers Canna, l’arrow-root de Guyane est extrait des rhizomes de l’igname et l’arrow-root du Brésil n’est que la fécule de manioc.
La plante que nous cultivons à la Réunion et que nous appelons la rouroute c’est l’arrow-root officinal. Son nom scientifique est Maranta arundinacea. Elle est de l’ordre des Zingiberales et de la famille des Marantacées.

Les Réunionnais de plus de cinquante ans l’ont connue en différentes circonstances.

Dans bien des vieilles cours des écarts du Tampon, la présence de la rouroute et du safran péi échappe à la vue de ceux qui ne partagent pas la conception traditionnelle que les vieux zabitan ont de l’aménagement de l’espace cultivé.
Ci-dessus: le rang de safran péi le long d’une clôture .
Ci-dessous: le karo de rouroute dans le fond de la cour, à côté des sonz .

- Les enfants des campagnes des Hauts du sud et de l’ouest de l’île ont participé à sa culture, à sa récolte et se sont, plus d’une fois, écorché les doigts en râpant les rhizomes. Cette tâche, se situant en effet pendant la période de la coupe de cannes, était dévolue à la femme et aux enfants qui n’étaient pas encore en âge de couper et charger les cannes.
- Ceux dont les parents faisaient confiance à la pharmacopée traditionnelle l’on consommée comme remède.
- Mais tous, campagnards et citadins, ont apprécié les incontournables « bonbon-larourout » achetés à la boutik sinwa du quartier.

Pourquoi parler au passé des « bonbon-larourout », dira-t-on, puisqu’on en trouve encore dans bien des pâtisseries traditionnelles et petites boutiques de quartier ? Tout simplement parce que depuis plus de quarante ans, les « bonbon-larouroute » sont fabriqués… sans rouroute !
L’explication est simple. Avec les crises agricoles des années soixante, les campagnes de l’ouest et du sud ont connu une mutation profonde. Une grande partie de ceux qui étaient en âge de travailler ont quitté la campagne pour les villes. Ceux qui sont restés dans le monde agricole ont été éloignés de la tradition par les exigences d’une agriculture nouvelle excluant la rouroute et les contraintes qui lui étaient liées.

La culture de la rouroute est donc arrivée jusqu’à nous avec les survivants de l’agriculture d’avant 1965, qui ont continué à en cultiver un minuscule karo, pour leur propre consommation, dans un coin de leur cour où elle cohabite avec le rang de safran péi (curcuma), la touffe de gingembre et la treille de chouchou. Mais cela ne suffisait pas à approvisionner les fabricants de bonbon-larouroute qui improvisèrent pour faire face à la demande.

La plantation
La récolte et la transformation
Rape: un morceau de tole percée avec un clou, recourbé et fixé sur un bout de planche

Différentes étapes du traitement des racines :
1 racines lavées dans le panier
2 racines coupées en morceaux dans le seau bleu
3 le broyage dans le mixer
4 broyat dans la bassine noire
5 marc ne contenant plus de fécule.

les utilisations de la rouroute
« Propriétés thérapeutiques
L’arrow-root est reconnue officiellement comme un aliment très digeste, utilisé comme nourriture pour les bébés dans les cas de diarrhées ou pour l’alimentation des gens qui ont un estomac délicat : malades, vieillards.
L’arrow-root est adoucissant et anti-inflammatoire, mais il n’a pas d’action directe sur les causes de la diarrhée. (…) L’arrow-root convient parfaitement aux régimes sans gluten obligatoire pour les personnes atteintes de la maladie coeliaque.Mais hélas à cause de son prix de revient très élevé, il n’a aucune chance de prendre la place du riz et du maïs qui, eux aussi ne contiennent pas de gluten et par-dessus le marché, sont beaucoup plus facilement utilisables en cuisine et en pâtisserie.
Mode d’emploi
Bouillies ou crèmes plus ou moins épaisses préparées en délayant la poudre dans de l’eau à feu doux jusqu’à consistance voulue (...)
Usages locaux
La tisanerie locale utilisait tant la poudre, que le rhizome frais.
En usage interne
Adoucissant et anti-inflammatoire, était utilisé dans les cas de diarrhée du nourrisson. Usage abandonné.
la poudre était ajoutée au dernier moment dans le biberon de tisane de Jean Robert associée à de la rougette.
Le rhizome cru était bouilli avec rougette, Jean Robert et petites goyaves tendres.
L’arrow-root n’est pas un antidiarrhéique proprement dit, il n’est qu’un adoucissant anti-inflammatoire léger et très digeste, qui ne peut à lui seul guérir une sévère diarrhée du nourrisson et surtout pas la diarrhée d’un adulte.
En usage externe
La poudre de rouroute est utilisée comme anti-inflammatoire et décongestionnant dans les cas d’hémorroïdes. Elle est ajoutée à une tisane de persicaire et la suspension ainsi obtenue est appliquée en cataplasmes sur les hémorroïdes. Nous retrouvons là l’utilisation initiale de l’arrow-root chez les indiens d’Amérique. ».
1 - Usage médicinal :
2 - Utilisation en cuisine...
3 - ...et en pâtisserie
Le bonbon la rouroute
Le gâteau la rouroute

On ne trouve pas de Gâteau la rouroute dans le commerce. Son prix de revient le mettrait hors de portée de la plupart des bourses. Sa recette se transmet dans les familles qui ont encore un lien avec le milieu agricole traditionnel producteur de rouroute. C’est une pâtisserie de luxe, d'une finesse et d'une légèreté exceptionnelles. Le gâteau la rouroute marque la convivialité et la prévenance de l’hôtesse qui le propose au dessert. On peut aussi parfois en trouver dans des kermesses d’associations caritatives où il est vendu au profit d’œuvres de bienfaisance.
La différence entre le gâteau et les bonbons c’est la proportion de gras moindre dans les bonbons (50% du poids de la poudre), et l’utilisation du blanc d’œuf au lieu du jaune.
Quant à la crème de rouroute , la quantité de poudre est de l’ordre de 80 g pour 1 litre de lait.

Gâteau la rouroute
(dosages que j'ai choisis pour 8 personnes) :

250 g de poudre d'arrow-root
4 jaunes d'oeufs
1 sachet de levure
une pincée de sel
1 gousse de vanille
150 g de sucre
150 g de beurre
une cuillerée (à soupe) d'anisette ou de rhum blanc .

Wo, monmon mwin !
La kaz amwin mwin té maléré
M’i manz mayi sanm piman krazé
Dopi gran matin-k mwin lé dobout,
M’i giny pa larzan pou nout-tout
Mon vyé papa pi mwayin marsé,
La rouroute la ponkor rasé

Wé, mwin v’alé, Wè, mwin v’alé
Rod travay dan la vil
Wé, mwin v’alé, Wè, mwin v’alé
Mé ramas byin mon pti fosiy

Wo, monmon mwin !
Rod in travay lé byin difisil
Mé lapa bézwin fé atwé la bil
M’alé byin lwin pou rod in travay,
Kantminm pou sa m’i dor si la pay
M’a rotourné larzan dan mon pos
Pou fé atwé in ti kaz an ros.

Wé, m’a trouvé, wé m’a trouvé
Sak touzour mwin la rodé.
Wé, m’a trouvé, wé m’a trouvé
M’a trouv mon somin galizé

Wo, monmon mwin !
Mwin la parti, mwin la kit atwé
Pardonn amwin ti monmon madwé
Tout mon péyi mwin la mars apyé
Mé in travay mwin la pa trouvé
Monmon ramas out gro pléré
Priy pou mwin m’i sava larmé

Wo, monmon mwin !
Wo, monmon mwin !

Ecouter l'air
Texte et photos: Roger Théodora © - copyright lansiv-kreol.net 2006-2009
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La culture de la rouroute est arrivée jusqu’à nous avec les survivants de l’agriculture d’avant 1965, qui ont continué à en cultiver un minuscule karo, pour leur propre consommation, dans un coin de leur cour
 
         
   
 
   
     

La rourout se plante à la lune descendante d’octobre et se récolte, suivant la région et l’altitude, entre juillet et septembre de l’année suivante. Dans la région du Tampon, on arrache les rhizomes juste avant la pleine lune de septembre. En effet, à la différence de juillet et août affectés par les pluies des dépressions polaires, c’est une période de l’année sèche et ensoleillée favorable au séchage de la poudre.

Lors de la récolte, on laisse dans un coin du karo la quantité de rhizomes nécessaires à la plantation. Après plusieurs semaines d’exposition aux conditions atmosphériques ambiantes, les rhizomes prennent une nuance verte. Le moment venu, on laboure le sol et on enterre le fumier, lorsqu’on en dispose, avant leur mise en terre. La fumure ne doit pas être trop profonde. La plante, très rustique ne nécessite plus aucun entretien jusqu’à la récolte. La pousse démarrera peu après la mise en terre, avec les premières pluies d’été.Un été à l’humidité régulière favorise plus la richesse qu’un été sec ponctué par des averses cycloniques.

 

On sait que le moment de la récolte est venu lorsque les feuilles jaunissent et sèchent. Le prélèvement d’un rhizome permet de juger de l’opportunité de l’arrachage. Il est alors cassant, peu fibreux et crisse sous la lame du couteau lorsqu’on le coupe. C’est le signe d’une bonne richesse en poudre.

Les opérations allant de l’arrachage au séchage de la galette ne souffrent d’aucune interruption. C’est une tâche fastidieuse, délicate et nécessitant de la méticulosité.

  • Une fois les rhizomes déterrés, on les débarrasse de la pelure qui les enrobe et on les lave.
  • On réduit les racines en miettes. Autrefois, on les râpait. Aujourd’hui, un mini hachoir de légumes suffit pour traiter une trentaine de kilos de rhizomes.
  • Le broyat est versé dans une grande bassine aux trois quarts remplie d’eau et recouverte d’une toile de fil plongeant dans l’eau. Ce filtre retient le marc et laisse passer les particules à récupérer. Il se forme au fond de la bassine un dépôt très compact.
  • Au bout de trois ou quatre heures, cette galette est récupérée, brisée grossièrement et placée entre deux bouts de tissu en toile de fil.
  • Ainsi protégée des souillures (poussière, aigrettes d’herbes et moucherons attirés les premiers jours par l’odeur aigre qui s’en dégage) et de la brise qui la disperserait lorsqu’elle se désagrège, elle est mise à sécher au soleil pendant plusieurs jours. Elle est sèche lorsqu’elle n’a plus d’odeur et que les morceaux s’effritent pour donner la poudre. En réalité, il faut quand même broyer les granulés obtenus en fin de séchage pour obtenir la poudre. Pour cela on peut avoir recours au mixer, mais l’outil doit être bien séché avant l’opération sous peine de remettre en cause le séchage.

    Si toutes les conditions sont réunies, on peut extraire jusqu’à cent cinquante grammes de poudre d’un kilo de racines.

 

 

 

 

L’exposé critique le plus exhaustif et le plus sérieux sur son usage médicinal se trouve dans le livre de Marc Rivière Les plantes médicinales à l’île de La Réunion, leurs amis et leurs faux amis, tome I, homonymes des plantes locales, publié chez Azalées éditions (voir encadré):

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En cuisine la poudre d’arrow-root est utilisée pour épaissir les sauces et dans les potages ; Les rhizomes sont également consommés en morceaux dans des plats de viande.

 

En pâtisserie les « bonbons la rouroute » qu’on trouve dans le commerce peuvent être considérés comme des faux puisqu’ils ne contiennent pas de rouroute mais de la farine de manioc ou de la farine de blé, du sucre, de la matière grasse végétale, des œufs, et de la poudre à lever. Leur saveur et leur texture n’ont plus non plus rien à voir avec celles de l’authentique bonbon la rourout pour la fabrication duquel on utilisait traditionnellement du saindoux.

 

 

 

 

 

 

 

 

La page ne serait pas complète sans une chanson dans laquelle il est question de la rouroute. C’est une chanson ancienne sur un rythme de ce qu’on qualifiait dans les années soixante de séga-maloya. C’est un ami du Tampon qui, en 1961, m’en communiqua les paroles et l’air. L’auteur est anonyme. Le texte est un témoignage intéressant sur la partie de la population qui cultivait la rouroute.