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Je soutiens que l'enseignement de la LCR à La Réunion ne peut se satisfaire de supports pédagogiques copiés-collés d'expériences menées ailleurs ou soustendus par des préoccupations jacobines inavouées

Présentation d’extraits de «Wopé zangoun! Koman i lé ?»
(Livret pédagogique de LCR au collège destiné aux élèves de sixième)
Commentaires de l'auteur

1 - Une unité: le "group konésans 4" illustrant la démarche générale.
2 - Lutte contre les a priori linguistiques: quelques exercices de maniement de la langue
3 - De la difficile compatibilité de la pédagogie avec la recherche d'un comportement consensuel des faiseurs d'opinion sur la graphie

Cliquez ici pour voir le détail des pages analysées .Wopé zangoun ! Koman i lé? est à présent disponible sous format PDF. Pour que nous vous le fassions parvenir par E-mail, entrez en contact avec Lansiv kréol
Pages 21 et 22
Page 23

Le contexte dans lequel s'est déroulée l'expérience de Plateau Goyaves m'a contraint à travailler, dès le début, à la nécessaire remise en cause des a priori que la presse, par le biais du courrier des lecteurs, véhiculait régulièrement.

Les plus mortifères pour l'apprentissage du créole étaient l'esprit de clocher et la hiérarchisation idéologique des variantes.

 

permettre la concentration sur le contenu des textes et de laisser toute leur importance aux commentaires des élèves.
(1) voir ci-dessous: "De la difficile compatibilité de la pédagogie avec la recherche d'un comportement consensuel des faiseurs d'opinion sur la graphie"

… et à la langue

L'exploitation des textes se poursuit dans la partie consacrée à la langue écrite. Ici, c’est la graphie qui est étudiée. Le refus de la graphie 83 associée aux trois lettres KWZ n’a pas fait mention du Y. Pourtant c’est une lettre - aussi détonnante que les trois autres - qui mériterait autant qu’elles de figurer dans l’enfer des adversaires du créole à l’école.
Mais les blocages d'adultes francophones et francoscripteurs monolingues ou encore les prises de position idéologiques ne sont pas de mise. Les différentes étapes de la partie consacrée à la langue ( prise de contact avec les éléments graphiques nouveaux -U,W,Y-, réutilisation dans des mots sans difficulté, mise en garde contre l'amalgame entre le français et le créole et graphie utilisée dans un exercice de vocabulaire intégrant des mots peu usités) dont la page 25 est un exemple, donnent des résultats convaincants.

Présenter cette population née du métissage ne pouvait se contenter d'exemples présentés à la page 22. Il fallait sortir de l'aspect anecdotique pour amener les élèves à réfléchir sur leur propre époque. Pour cela, un clin d'oeil à la génétique était indispenasable. Prenant le relais du témoignage de la Bardinais, la loi de Mendel permet de faire la transition (page 23). Et j'avoue que c'était aussi l'occasion de les faire réfléchir sur l'actuelle tendance inepte à l'ethnicicisation de la population de la Réunion.

Pour cela, plus que des résumés de livres d’historiens de référence, je décidai de mettre à la disposition des élèves le matériel le plus simple, et en même temps le plus performant qui leur permettrait de faire des recherches et d’entrer dans cette histoire. Et pour ne pas figer cette histoire dans un passé lointain, mais la mettre en relation avec le vécu des élèves, avec leur propre identité, c’est par des arbres généalogiques où figurent des patronymes actuels, par les images, par la musique que nous sommes entrés dans l’Histoire de la Réunion. Car il fallait leur montrer que nous sommes héritiers de cette histoire et que notre identité d’aujourd’hui est le résultat de la complexité des parcours d’hommes qui nous ont précédés sur cette île.

Je dois dire que lorsque j'ai expérimenté ma fiche pédagogique sur la leçon, cette stratégie a dépassé mes espérances car la question  « Et mon nom? » posée par les élèves dont les noms ne figuraient pas parmi les exemples présentés ouvrait la voie à l'initiative d'offrir aux élèves la programmation, sur le premier cycle, du balayage du champ de l'histoire humaine à La Réunion.

Car il ne s’agit pas ici d'appliquer les instructions officielles dans un souci de cohérence avec les programmes existants et d'insertion de tranches les plus digestes de l'histoire locale dans des programmes déjà surchargés. Ce serait là une gageure ayant comme conséquence la superficialité et le désintéressement de l'élève.
Il ne s'agit pas non plus de donner à l'élève des clés d'une discipline en espérant en faire un disciple qui adhèrerait à la problématique d'enseignants imprégnés de leur formation universitaire ni de lui proposer des considérations sur les stratégies politiques de l’époque étudiée.
L'objectif est de mettre l’élève en phase avec sa propre identité en le faisant adhérer au cheminement des hommes et des femmes qui se sont rencontrés sur cette terre réunionnaise.

Rappel :

Le livret est le regroupement de fiches pédagogiques expérimentées en 1996 et 1997 et améliorées en 1998 et 1999.
Contrairement à la plupart des livres scolaires de son époque, son contenu, prévu pour trente semaines, respecte donc le calendrier scolaire et progresse sur dix ensembles de connaissances. Sa réalisation est antérieure à la rédaction du projet de la loi d’orientation votée le 15 novembre 2000 qui met l’accent sur « la prise en compte de la réalité locale ».
Il ne se recommande donc d’aucune directive, d’aucun texte et les choix sont ceux d’un enseignant réunionnais qui a consigné, tout au long de sa carrière les insuffisances de la prise en compte de l’identité des enfants réunionnais dans les contenus et programmes scolaires et les conséquences pénalisantes dont avaient, de ce fait, pâti des élèves pendant leur scolarité et pour les plus fragiles d'entre eux après leur passage par l'école.

1 - Une unité: le "group konésans 4"

J’ai choisi l’unité 4 qui me permettra d’apporter des réponses à un certain nombre de questions que se posent les Réunionnais sur l’intérêt d’introduire la langue et la culture réunionnaises dans les écoles, collèges et lycées. L’unité est abordée dans la dernière semaine de novembre et s’étale sur une bonne partie du mois de décembre. Elle a l’histoire comme élément central. La période choisie pour la lancer est fonction de l’environnement particulièrement riche de différents événements culturels qu'elle présente. Il s'agit de mettre à profit les prédispositions des élèves pour ne pas introduire artificiellement l'objet de la leçon.

Vue de l'extérieur, la façon d'aborder le thème manque de consistance et de référence à l'Histoire. Mais il faut tenir compte de deux contraintes: l'inadéquation de la période abordée avec celle du programme d'histoire de sixième. Et la classe se faisant en créole, l'aspect rebutant que constituerait pour l'élève, à ce stade de maîtrise du créole, des textes longs (traductions de documents historiques).

2 - lutte contre les a priori linguistiques: quelques exercices de maniement de la langue.
Pages 61 et 62, leçon sur le verbe.
pages 59 et 60, le cas du H

Plutôt qu'un discours explicatif situé sur le terrain miné des appréciations subjectives, je choisis de plonger mes élèves dans la réalité quotidienne des adultes créolophones monolingues. Je mis à contribution des extraits d'archives sonores personnelles collectées dans les milieux les plus divers. La présentation des variantes, à égalité de traitement lors de la séance d'étude de la langue, ouvrait la voie à un regard dynamique sur cette réalité.

Quant aux subtilités abordées dans certaines leçons et les exercices d'application, elles avaient, c'est vrai, de quoi rendre perplexe tout enseignant se référant aux seules considérations répertoriées par des travaux universitaires. Est-ce ce qui motiva la marginalisation de « Wopé zangoun! Koman i lé? »

 

Exercice récapitulatif sur les pronoms, page 79 ,

La réflexion se prolonge avec deux textes sur le thème de l’identité réunionnaise. Les élèves n’ayant pas encore, à cette époque de l’année une pratique suffisante de lecture de textes écrits en créole, les textes proposés ont été choisis en fonction de la connaissance que les élèves avaient du séga de Jacqueline Farreyrol "zéro kalbas la fimé granbwa"(1) et du maloya de Danyel Waro "batarsité". Le but est d’aider à l’accoutumance à la graphie , de

De l’histoire à la littérature…

Il existe deux ouvrages dont l'objectif est d'intégrer l'histoire de la Réunion dans les programmes d'histoire des collèges:
1-Jean-Marie DESPORT,... Martine TAVAN,... Pascal VILLECROIX,... [et al.] Histoire Géographie : programmes pour la Réunion : tome 1: 4e 3e Groupe Hatier International, Paris, 2001 ; tome 2 : 6e-5e : Hatier international, Paris, 2002.
2-Jean-Pierre COEVOET, Prosper EVE, Albert JAUZE, Claude WANQUET ; sous la dir. de Prosper EVE et Claude WANQUET: Histoire de la Réunion : niveau collège, Vanves (Hauts-de-Seine) : Hachette Edicef, 2001

Et pour cela, il faut mettre en avant la dimension humaine et le faire entrer dans l’intimité de ces premiers Réunionnais. C’est ce parcours initiatique dont je devais laisser le loisir à mes élèves de sixième. C’est cette préoccupation qui a été au départ de ma démarche pour construire cette première leçon d’histoire. Il fallait leur faire découvrir que l’histoire c’est d’abord celle d’hommes plongés dans un contexte donné. Car j’ai toujours pensé que sans cette sensibilisation, l’histoire apprise à l’école reste pour le jeune Réunionnais d’autant plus contraignante et insignifiante que l’insularité confère aux événements extérieurs, même contemporains, une dimension virtuelle.

En réalité, cette démarche est fondamentalement différente de la mienne. Dans les leçons consacrées à la lecture et à l'écriture du créole, ma préoccupation avait, dans un souci de cohérence et de fidélité identitaire, fait une part essentielle à la prononciation de la grande majorité des Réunionnais depuis qu'existent des transcriptions de propos tenus en créole, c'est à dire depuis le début du XIXe siècle. Ayant enseigné une langue vivante à des débutants, je savais que pour parer à toute pollution préjudiciable à la langue nouvelle, il est indispensable de faire attention , pendant la séance d'apprentissage, à toute référence incongrue à la langue en position objectivement dominante. Ainsi, dans le group konésans 6 de "Wopé zangoun!..." la partie lir, ékri an kréol rényoné 4 est consacrée aux sons nasalisés propres au créole. Ce n'est que lorsque les élèves se sont suffisamment accoutumés à la transcription des sons contenus dans les exemples qu'il leur est proposé des exercices attirant leur attention sur les risques d'amalgame tels que minm et même, liyn et ligne.
On rencontre dans "Littérature réunionnaise au collège" des textes en graphie 87, par exemple "minm, sizyinm, sistinm" recensés à la page 14, dans le texte "Zistwar tikok". Certes! Mais quand tel est le cas, c'est parce que, comme le précisent les auteurs de"Littérature réunionnaise au collège", "chaque fois que l’écrivain était décédé (...)nous avons respecté la graphie choisie

Page 25
3 - De la difficile compatibilité de la pédagogie avec la recherche d'un comportement consensuel des faiseurs d'opinion sur la graphie

Réalisme pragmatique
Tangol intègre dans sa réflexion le fait que ce passage à l’écrit s’effectue dans une situation de contact linguistique avec le français, mar­quée par la diglossie et qui implique: de formuler des propositions graphiques acceptables par la société réunionnaise de ce début de siècle; de ne pas perdre de vue les réalités pédagogiques (tout le système scolaire est orienté vers le français, et il est de plus en plus difficile de freiner les interférences des données entre les deux langues); de développer la capacité des usagers à distinguer les codes en présence, à éviter la confusion des codes; cependant, de ne pas chercher à choquer les habitudes orthographiques du français.
Extrait de Graphie 2001: proposition Tangol, in Cahier Tangol N° 1 page 5, co-édité par Nout lang, août 2002

En 1997, j'avais proposé aux élèves le séga de Farreyrol sans modifier la graphie originale du texte. Ils avaient été si perturbés que j'en pris le parti de leur présenter tous les textes écrits dans la graphie que j'avais adoptée depuis le début de l'expérience. Cette mésaventure m'amena à considérer comme illusoire et paralysante l'interminable hésitation sur le choix de la graphie. Hélas! La pratique est remarquable dans le manuel "littérature réunionnaise au collège". J'y ai relevé, pour ne prendre que ces seuls exemples: "pyès dé fran, zwé, klos, totos, syindan" à la page 14 et "piès dë fran, žoué, shakfoi, shoizi" à la page 15. Ma remarque dût-elle chagriner les auteurs de ce livre, faire cohabiter à quelques phrases d'intervalle des façons différentes d'écrire le même mot dans un ouvrage destiné à des élèves constitue, à mon sens, une faute pédagogique (1).
Mais je doute que même si j'avais eu à donner un avis à partir de mon expérience, ma remarque eût été prise en compte.
Pages 44, 45 et 46
artourn an-aryèr/revenir à la page précédente

par l’auteur". En revanche, au fil des pages de "Littérature réunionnaise au collège" des choix graphiques tels que "sistëm, dëzièm, mëme" figurent dans la partie "kestionér" ( page 51), c'est à dire la partie mettant l'élève - et l'enseignant! - en contact avec le choix graphique des auteurs, attestant d'une inféodation à la volonté assimilationniste du système éducatif à la Réunion. Paranoïa de ma part? Allons donc! Il n'est que de lire l'encadré ci-contre pour être convaincu de la justesse de mon analyse.

(1) Évelyne CADET, Julie DARRACQ, Lolita ICHIZA,...[et al.] ; chefs de projet Évelyne POUZALGUES,...Jean-François SAMLONG,... ; avec la participation de Axel GAUVIN, Félix MARIMOUTOU Littérature réunionnaise au collège : manuel d'expression française et créole; Saint-Denis, CRDP de La Réunion ; [S.l.] : Océan Éditions , 2003

Roger Théodora, novembre 2007, © - copyright lansiv-kreol.net 2007

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